Episode 9 : les toits de Paris

Publié le par Camille Butterfly


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Une lourdeur m'aplatit sur le sol, j'ai l'impression d'être de plomb et de ne pas avoir la force nécessaire pour supporter le poids de mon nouveau corps. Une odeur de poussière, de moisissure et de bois ancien me distrait de ce souci. J'ai le nez collé sur un vieux parquet aux lamelles usées, elles sentent bon l'existence. Les nœuds et nervures du bois sillonnent leur surface en arabesques imaginatives.

Je me relève à moitié, la tête comme une pastèque, et reste assis en tailleur pour le moment. Je me trouve dans une mansarde simple et dénuée, mais apaisante. Peut-être à cause de l'étroitesse des murs ou du silence qui y règne, un petit cocon à l'écart du monde, parasité de grosses toiles d'araignées pendues au plafond et autres bestioles qui se faufilent sur le plancher entre mes doigts. Arrrgh !!! Je me redresse d'un bond.

Je n'ai pas eu le temps de voir ce que c'était, et vaut peut-être mieux ne pas savoir. Au moins, cette rencontre indésirable m'a stimulé à prendre la position verticale.

L'endroit semble inhabité depuis des lustres. Un lit d'une place longe tout un côté, tandis qu'une armoire de chêne massif s'octroie le côté adverse. Au centre de la pièce, trônent une table de bois assortie de sa chaise. Et dans un coin, se blottit un meuble surmonté d'un réchaud, à côté d'un petit évier. Je me dirige vers la lucarne qui perce l'inclinaison du toit et l'ouvre, des pigeons s'envolent, d'autres roucoulent sur la gouttière. M'y voilà ! Paris palpite devant mes yeux ahuris.

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Le pari de tous les possibles, la ville lumière où se côtoient le plus sublime comme le plus horrible, le pire comme le meilleur. Avenues bouchées, survoltés, d'âmes contrariées en quête de temps, asphyxiées à l'ombre des bâtisses. Ruelles tranquilles aux pavés arrondis foulés d'herbes folles, offertes aux égarés émerveillés, aux curieux silencieux des chemins insoupçonnés, tracés de vols d'oiseaux, des murmures amoureux se dérobant sur les bancs. Etalage de luxe en vitrine, étalage de misère en sous-sol. Fiertés, indifférences, joies éphémères, rencontres fugitives, égarements. Solidarité, tolérance, partage des différences, communion sans mots, instants éternels. Paris s'étalant de son torrent d'antagonismes, réunion de diversités, un cœur d'humanité dont je fais partie maintenant. Je soupire anxieux et excité à la fois.

J'explore le reste de ma nouvelle habitation, si c'est bien la mienne, mais ce que je découvre me conforte dans ce sentiment : les étagères sont pourvues d'habits à ma taille et conformes à mes goûts. Sur la dernière tablette, je trouve un trousseau de clefs que je m'empresse d'introduire dans la porte, le verrou tourne ; ainsi qu'une boite métallique pourvue de billets d'argent. Je n'ai aucune idée de la somme que cela représente mais je doute qu'il y en ait assez pour subvenir à mes besoins pour la totalité de ce long séjour qui m'attend. Toutefois, je ne vais pas me plaindre, il est déjà bien heureux qu'ils aient pensé à mes nécessités matérielles, mais il semble qu'ils aient oublié mes besoins physiques ! Les humains de cette époque n'utilisent-ils pas de sanitaires ?

Je sors sur le palier et parcours le couloir qui grince sous mes pas, des portes identiques à la mienne se jouxtent, sauf une qui diffère au bout du corridor, je la pousse et découvre des toilettes nauséabondes en face d'une douche rudimentaire dont s'échappe un filet d'eau continu. Une petite ouverture dans un des murs, qui devait être une fenêtre, baille à l'air sans protection. Vu l'aspect de l'entretien et de la propreté, je suppose que c'est une salle commune. J'aurais rêvé mieux !

De retour vers ma mansarde, je remarque une échelle métallique menant à une trappe. Je grimpe les barreaux, poussé par la curiosité, et atterris sur une autre échelle accolée aux ardoises de la toiture, elle monte jusqu'aux cheminées. Je continue vers le sommet et enjambe le faîte du toit. De là, j'ai une vue splendide sur Paris qui s'étend à perte de vue…

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Photos de Paris prises sur le site www.folp.free.fr


Publié dans Saga de l'été

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S
Magnifique univers qui habille  cette atmosphète si particulière, on vagabonde  avec grand plaisir..... je te dépose un souffle de poèsie.. bien  à  toi...
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C
Merci à toi ;-)
J
Bonjour<br /> Merci d’avoir réagi au fil sur « Mon Blogue ».<br /> Il y a un message qui te concerne ici.<br /> Au plaisir de te lire<br /> Jacquesb<br />
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M
Kikou Camille ;-)Que dire!Se taire et lire, apprécier et attendre la suite.A suivre...Bonne soirée, bises.
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C
Oh c'est joliment dit ! (^_^)
M
J'adore ces ambiances pesantes, limites stressantes pour le lecteur qui lit avec anxieté le descriptif de cette demeure. On s'attend à tout : à la venue d'un animal étrange, de quelques coups sourds qui retentissent subitement...Bref, le grand amateur de romans policiers ne peut qu'être comblé!
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C
Merci pour ce très beau commentaire ! moi aussi me vlà comblée :-)