Episode 11 : panique à bord
Le corridor est trop sombre pour mes yeux récemment exposés à la clarté extérieure. J'attends quelques secondes pour qu'ils s'adaptent à l'obscurité. Il me faudra repérer l'interrupteur de l'éclairage s'il y en a un.
— Han !!! Je sursaute en voyant ma porte entrebâillée.
Ne l'avais-je pas fermée derrière moi ? Je m'approche tout doucement, le parquet qui gémit sous mes pas me fait craindre d'être entendu. Arrivé au plus près derrière la porte, je tends l'oreille, le souffle suspendu. Des bruits assourdis me parviennent de l'intérieur. Mon cœur palpite à exploser. Je tente de repérer des mouvements par les interstices mais sans entrer, d'ici j'ai une bonne place pour surprendre un intrus. Enfin, plus exactement pour le laisser s'échapper sans qu'il m'assomme parce que je me serais trouvé sur son passage. Je ne vois rien bouger, un claquement bruyant me fait tressaillir avec force. Je me colle contre le mur et souffle un bon coup. Ce n'était qu'un battement d'ailes de pigeon, le son avait été suffisamment clair pour qu'il n'y ait aucun doute. Je me rappelais maintenant avoir laissé la fenêtre ouverte. J'expire encore un coup pour me calmer de cette fausse alerte et patiente quelques instants, afin de m'assurer qu'aucune autre vie que celle des volatiles ne trouble la tranquillité de mon logis.
Cinq bonnes minutes passent sans le moindre signe inquiétant. Je me risque à franchir le seuil prudemment, pour découvrir une pièce déserte. Toute cette frayeur pour rien ! Je me jette sur les trois pigeons qui squattent le rebord de la lucarne, parce que j'aperçois déjà des fientes sur mon plancher et aussi un peu pour me venger. Ils s'envolent tous en même temps se cognant les ailes et semant des plumes. J'essaie d'attraper un duvet blanc qui flotte dans l'air avant qu'il ne soit aspiré par le vent et emporté vers le vide. La petite plume légère se faufile entre mes mains, virevoltant autour de mes mouvements, sa douceur cotonneuse me frôle la peau mais m'échappe chaque fois que je referme les doigts pour la saisir.
— VLANG !
La porte s'est claquée tellement fort que les murs en sont encore tout tremblants. Pour ma part, je suis scotché au sol, les jambes terrassées par le bruit violent de ce choc imprévu. Je halète comme un asthmatique en crise. Quelle trouille ! Un courant d'air que je n'ai pas vu venir, a dû s'enfuir par là. Je me rassure avec cette idée. Jusqu'à ce que la plume de mon attention précédente vienne se poser tranquillement devant moi. Comment n'avait-elle pas été propulsée au loin ?
Je me relève pour inspecter l'armoire. Rien ne parait manquer, la boite métallique contient toujours les billets, les vêtements sont soigneusement rangés, ils ne semblent pas avoir été fouillés. Oui, je crois que tout est en ordre… les clés !!! Où sont les clefs ? Je chamboule toutes les affaires, parcours toutes les étagères. Où sont passées les clés ? On m'a pris les clés ! Je vérifie dans mes poches, par terre sous le meuble, sur et dessous le lit, la table… non rien ! On m'a volé mes clés ! Je me précipite vers la porte pour courir après l'usurpateur, mais n'ai pas besoin de faire un pas de plus, elles sont fièrement enfoncées dans la serrure. Quelle journée !
Je me souviendrai toute ma vie du jour de mes 21 ans, un véritable cauchemar. Dire que quelques heures auparavant, j'étais encore chez moi, dans mon studio bordélique, préoccupé seulement par mes soucis existentiels de savoir quoi faire de mes week-ends !