Le réveil sonne - Page 7

Publié le par Camille Butterfly


— Ding ! Ding ! Ding !

La clochette retentit à nouveau, me tirant brusquement de moi-même, je songeai à mon réveil qui me faisait le même effet chaque matin. Poussé par les gestes de mon guide, je me dirigeai vers elle.

Divers fidèles étaient accroupis sur le seuil du temple, suffisamment grand pour accueillir seulement trois individus à l'intérieur autour d'une autre statue, déesse à plusieurs têtes et plusieurs bras, où officiait un prêtre à demi couvert d'une toile blanche autour des hanches, des signes typiques sur le front. Il badigeonnait soigneusement des fruits d'un liquide mielleux pour les offrir à la divinité. Parfois, il versait un peu d'eau consacrée dans le creux des mains des croyants qui se succédaient à l'autel. Ils la portaient à leur bouche puis s'en aspergeaient le haut de la tête, ensuite ils se retiraient et cognaient la clochette suspendue sur le perron d’un ou trois coups successifs.

Ces pratiquants défiaient le froid dans une belle indifférence, ma peau frissonna pour eux. Mon hôte m'invita à participer au rite mais je me sentis trop étranger pour accepter. Il me proposa alors une entrevue avec leur chef religieux. Je n'en demandais pas tant, mais puisqu'il m'en donnait l'occasion, mes heures de persévérance sur le trottoir allaient être récompensées.

On m'installa sur un coussin dans une petite pièce sans ornements. Un thé indien me suivit, il fut le bienvenue, même trop sucré. Leur maître spirituel arriva, drapé de la tête aux pieds d'une tenue orange, et s'assit en face de moi sur une banquette en bois rudimentaire. Quelle ne fut pas ma surprise de reconnaître ce petit bonhomme dont j'avais refusé l'aide dans l'après-midi. Ma mine lui suscita un éclat de rire, toujours de cette douce musique si enfantine.

— Mais ? Bégayai-je.

— Je me doutais que nos chemins devaient se croiser. Rétorqua-t-il plein d'enthousiasme.

— Et dire que j'ai eu tout le mal du monde pour vous rencontrer alors que vous m'aviez trouvé !

— Notre communauté est très ouverte, mais tu t'es présenté à l'heure de la méditation, nous ne pouvions t'accueillir convenablement dans ce moment de recueillement. Alors que me vaut ta visite William ?

— Vous connaissez mon nom ?

Il s'égaya à nouveau plein de malice. Son omniscience m'agressait, je le défiai.

— Eh bien vous devriez le savoir !

— Oh ! Je sais des choses sur toi, mais je n'ai pas connaissance de ce que tu sais de toi.

Chacune de ses phrases était ponctuée de sourires chaleureux, ses paroles s'écoulaient affectueuses. Je me calmai, mon agressivité était incorrecte et ses réponses m'intriguaient. À son écoute attentive, je lui contai mon drame dans tous les détails.

— Ah très bien ! Essayons de trouver un miroir.

Il lança un signe à un jeune disciple, logé sagement dans le fond de la pièce, qui s'élança dans l'obscurité pour remplir sa quête. Un silence s'invita à notre séance, je n'avais plus rien à dire et mon interlocuteur me fixait sans discontinuer. Son regard était très amical, mais le simple fait qu'on s'intéresse réellement à moi, m'indisposait. Au bout de longues minutes, je rompis le calme n'en pouvant plus.

— Puis-je vous demander votre nom ?

— Tu peux m'appeler Swami.

Sa réponse fut brève, beaucoup trop courte pour cacher mon embarras. Heureusement, je fus enfin sauvé par le retour de notre jeune envoyé, qui s'avançait victorieux, l'objet dans les mains qu'il s'empressa de nous remettre respectueusement. Swami le tint à la verticale sur ses genoux en ma direction.

— Bien ! Te trouves-tu dans ce miroir ?

Je me tortillai un peu pour être dans le bon axe. C'était une glace usée, de taille moyenne, mais suffisante pour qu'à cette distance je puisse me voir presque entièrement.

— Eh non ! Toujours rien.

Un rire enjoué gagna tout son être.

— Tu es devant moi, comment pourrais-tu te trouver dans ce miroir ?

— Oui effectivement !

Je m'amusai aussi de m'être fait avoir. Il poursuivit ses explications :

— Ton reflet n'est qu'une image de toi-même, mais l'image n'est pas la réalité.

— Vous avez de belles paroles, ceci dit je n'en ai plus !

— C'est que tu te perçois tel que tu es.

— Je ne suis rien alors ?

— Au contraire, tu es tout en quelque sorte ! Le tout ne peut être limité en un lieu ou à une image, ni même à une définition. Sinon ce ne serait plus le tout. Il apparaît donc comme le vide ou le rien dans ta compréhension.

— Je suis donc le tout ou le rien ?

— Tu es autre chose que ce que tu crois de toi.

Je soupirai. Ses réflexions spirituelles me dépassaient et surtout ne me concernaient en rien. Il s'en aperçut et continua d'éclaircir mes pensées.





Publié dans Nouvelle 2

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S
Bonjour à tous ! Moi je voulais vous faire part d’un coup de cœur qui regroupe mes 2 passions : la littérature, et le jeu d'échec. C'est Le secret de l’automate de Robert Lohr. Ce livre retrace l’histoire d’une des plus grandes arnaques du 18e siècle : Un homme se promenait avec un automate appelé le Turc Mécanique, qui gagnait toutes les parties d’échecs qu’il lui faisait jouer. Arnaque car dans l’automate, un nain était caché… Ce livre est sorti récemment, chez Laffont. Et un joli site a été crée pour percer le secret de cette histoire : www.lesecretdelautomate.fr Voilà, c’était mon coup de cœur !<br />  <br />
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C
éh ben ! c'est un surhomme ce nain pour gagner toutes les parties :-)caché dans un automate... le pauvre !vraiment pas humain ces humains.