Le réveil sonne - Page 8

Publié le par Camille Butterfly


— Comment te vois-tu ? Tu n'as pas besoin de te décrire, pense fortement à ton image telle que tu la connais, concentre-toi sur l'image mentale de toi-même.

J'essayai de visualiser mon visage mais je n'y arrivai pas. C'était idiot ! Je me regardais au moins une fois par jour dans une glace et j'étais incapable de me souvenir de mes traits et de mon allure. Je me remémorai seulement les photos récentes. Les seules représentations qui me venaient à l'esprit étaient des images figées d'un instant. Soudain, je me suis entrevu, je me levai fou de joie.

— Je me vois ! Je me vois !

Le reflet devenait de plus en plus précis. J'attrapai le miroir en de longues retrouvailles tant désirées, et me regardai sous tous les aspects, assoiffé de moi-même.

— J'avais oublié qui j'étais ?

— Tu n'es pas ce que tu distingues ! Dit-il sèchement.

Swami avait haussé le ton pour la première fois. L'effet fut immédiat, je m'arrêtai interdit. Il se réappropria son air serein et poursuivit la discution.

— Pense à ton rêve. Que te dit-il ?

— Ce n'est qu'un rêve !

— Pourquoi serait-il moins crédible que ta vie ? N'as-tu jamais songé que cette vie ne pourrait être qu'un rêve dont tu t'éveilleras un jour ?

— Mais les rêves ne sont que des projections inconscientes, des désirs, des frustrations, une soupape de sécurité pour évacuer le trop plein de nos vies chaotiques.

— Oui, c'est exact jusqu'à un certain point. Puis vient un temps, où les portes s'ouvrent.

Ses mystères m'exaspéraient, j'avais retrouvé mon reflet, pourquoi n'était-il pas aussi satisfait que moi ?

— Dis-moi William, n'as-tu pas remarqué que tes rêves étaient devenus différents ?

Il n'avait pas tort. Ils étaient tellement réels que je m'y perdais, sans compter ceux où j'avais conscience de rêver, ceux où je pouvais agir, ceux où j'entendais mon prénom, ceux où l'on m'instruisait des choses défiant toutes les lois physiques. Mes nuits étaient devenues un nouveau terrain de jeu aux règles déstabilisantes, où j'avais une interaction consciente.

— Tout ce qui me reste de cette nuit, c'est cette phrase entêtante : l'homme est à l'image de Dieu ! Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Ces abstractions n'ont aucun sens pour moi.

— Oui, ces abstractions n'ont aucun sens puisqu'elles en ont plusieurs.

Cela le fit rire. Je constatai de toute évidence qu'il aimait jouer sur les mots, et j'y perdais complètement la raison.

— Pour ton cas, on pourrait en extraire la signification que Dieu ne peut avoir d'image, pour les mêmes raisons que pour le tout. Par conséquent, l'homme n'en a pas non plus s'il est à son image.

— Mais Swami, on ne peut pas vivre en étant invisible ! Je suis un être humain, je ne suis pas Dieu, ni le tout !

— Toute image n'est qu'une illusion, elle n'est pas la réalité, seulement un reflet, un simulacre. Lorsque tu es dans ce miroir que je tiens, te trouves tu réellement entre mes mains ou assis sur ce coussin devant moi ?

— Ces théories sont valables pour cet exemple, mais lorsque les gens s'adressent à moi, c'est à ma personne en chair et en os qu'ils parlent !

— Chacun te perçoit en fonction de ce qui transparaît de ton être, variable selon le type de relation établie. De plus, entre en compte, le fait que chacun a un regard subjectif qui lui est propre, il reçoit de toi ce qui résonne avec ses caractéristiques. Tout cela contribue à constituer une image distincte chez chaque destinataire. Mais au final, tu es une multitude d'étiquettes !

— Mais c'est obligé ! Il faut bien qu'on est une existence palpable !

— Avoir une apparence est naturel et nécessaire pour interférer les uns avec les autres dans notre monde. Mais lorsque le voile se déchire, on sait que cette représentation n'est que partielle et illusoire, elle n'est pas pour autant inexistante. Elle est illusoire dans le sens qu'on a connaissance d'être autre chose, comme un prisme translucide qui reflèterait différentes facettes, mais il ne peut se réduire à un seul aspect, il est plus que cela.

Toutes ses révélations nouvelles me déstabilisaient complètement. Une lourdeur à la tête m'assommait, j'avais envie de rentrer chez moi et faire comme s'il ne s'était rien passé, reprendre mon existence de tous les jours tranquillement. Moi qui ne rêvais que d'inconnu et de fuir la banalité, je me sentais comme un môme perdu, maintenant que j'obtenais de l'incroyable.




Publié dans Nouvelle 2

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