Mort d'un rosier

Publié le par Camille Butterfly


Par un bon jour, je me baladais légèrement.
Sous la brise, l'herbe frétillait, les arbres dodelinaient, les papillons sautillaient. Et là j'aperçus, coincé contre un arbuste, un vase hanté d'un rosier trépassé. Il n'avait plus que ses branches sèches, comme les os d'un cadavre, pour souvenirs d'une existence passée.

Le lieu ruisselait tellement de vie tout autour de moi : le soleil éblouissait d'effets entre les ombres, les rires d'enfants s'enroulaient autour d'un ballon, les murmures des oiseaux jouaient à cache-cache ; que je n'imaginais pas quelle cruauté avait causé sa perte.

Je me suis assise et l'ai pris dans mes bras avec un désespoir perdu de combler son vide, pour le materner une dernière fois priant que son âme connaisse encore la douceur d'une chaleur, même trop tard.

Me voyant penchée sur une trace du passé, le Peuplier me cajola de ses mots :

— C'est fini pour ce pauvre rosier, lève ton cœur au ciel et donne ta force à tes compagnons de voyage encore en route parmi ce monde.

— Oh ! Dis-moi noble Peuplier, l'as-tu connu ? Dis-moi l'as-tu connu ? S'il te plait, conte-moi son histoire avant qu'elle ne devienne, à tout jamais, insignifiante dans l'oubli.

— Oui belle enfant, je l'ai connu. Lorsqu'un soir, il est arrivé discrètement, un souffle fébrile s'échappait encore de son être. Un homme l'a déposé là, comme on se débarrasse d'un déchet encombrant.

— Mais que s'est-il passé ?

— Ce qui arrive trop souvent malheureusement, un désir éphémère de plus !

— Alors cet homme l'avait pris sous son toit...

— Oui, il l'avait adopté immédiatement, fasciné par la splendeur de ses roses rouges, et mis à sa fenêtre sous le halo du soleil, tout proche de son lit pour qu'à chaque réveil, il connaisse le bonheur au vu de ses fleurs magnifiques. Le rosier était tellement heureux qu'il illuminait sa demeure d'un parfum envoûteur.

— Et ensuite ?

— Ensuite, quelques jours passèrent... et sa présence devint l'égal d'un meuble.

L'homme ne le voyait plus, trop occupé par son quotidien, par son besoin de nouveautés toujours plus attrayantes. Son regard n'effleurait même pas une seule rose qui s'évertuait à devenir la plus belle du monde uniquement pour satisfaire ce cœur souverain pour qui, même un pétale était devenu invisible.

Le rosier laissa couler le temps avec toute sa patience, dans la confiance d'un retour d'amour.
Chaque jour qui passait, il lançait des signes. Ses fleurs s'attristaient, fanaient, puis s'asséchaient. Sa beauté sombrait sur le sol complètement fripée, qu'un pied indifférent émiettait. Tout ce sacrifice n'était pas encore suffisant pour attirer l'attention.

Le rosier se sentit perdu, il prit peur. La moindre rose avait disparu et c'était maintenant au tour des feuilles de connaître le même sort, seules les épines se hérissaient encore dans une dernière lutte de survie. Sa ration d'eau s'était volatilisée dans un esprit non concerné par ces choses futiles. Une terrible agonie s'ensuivit pendant des jours interminables. Le rosier se mourait sous l'éclat du soleil qui l'avait vu naître. Seule une petite flamme au plus profond de ses racines lui suscitait l'impossible pour sourire encore au ciel jusqu'au bout.

Ce fut au début de l'été que l'homme s'allongea calmement sur le lit, épuisé. Par un souvenir furtif, il considéra le rosier et se redressa d'un sursaut. Il prit la plante dans ses mains, et s'étonna d'avoir été aveugle de ce piètre spectacle durant des semaines. Il soupira d'un léger désappointement et sortit emportant le pot.

— … Pour l'abandonner ici ? Mais noble Peuplier, pourquoi n'a-t-il pas repris goût à la vie dans sa nouvelle liberté ?

— Oui, la liberté lui a fait du bien... mais ce rosier est mort de chagrin.


Fin

Publié dans Conte

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
<br /> <br /> C'est trsite, pauvre rosier. C'est très beau et plein de sentiment. Si il fallait tirer un moral de ton text c'est qu'il faut toujurs voir le monde qui nous entoure comme le premier jour et de ne<br /> pas oublier d'arroser ses plantes ^^.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
P
Aîe ! Ca fait mal. Mort de chagrin pour cet imbécile d'humain ?
Répondre
H
Le rosier et ses épines semble fort, voire arrogantmais deerière se cache une tristesse
Répondre