Le réveil sonne - Page 2
Le rêve encore en souvenir, je sortis du lit en quête de la machine à café. Elle vrombit à la pression de mon doigt sur le bouton. Un filet brun s'effilocha, j'eus juste le temps d'attraper une tasse pour le recueillir avant qu'il ne s'écoule complètement. Mon esprit était dissipé, je n'étais pas accoutumé à ce genre d'étourderie, surtout que je ne regardais pas ailleurs.
La première gorgée me brûla la langue. Les suivantes exhalèrent ce parfum coutumier, au pouvoir si particulier, comme à chaque fois que je buvais un café. Dans n'importe quel contexte, arrivait un instant où la saveur captivait mon attention faisant oublier tout mon environnement, un moment de présence avec moi-même sur un détail à l'intérieur de mon corps, lorsque habituellement j'étais happé par le dehors.
Un gant se tenait sur le sol, oublié par Marjory. J'aurais pu lui témoigner plus d'importance mais elle s'était vexée sur un incident absurde sans me laisser le moindre répit. Elle était à fleur de peau à chaque négligence parce qu'elle sentait bien qu'elle n'était pas le centre de ma vie et aurait aimé l'être. Cette fois, cette maladresse de trop précipitait la fin de notre relation. C'était probablement mieux ainsi. La perspective d'un couple routinier me faisait peur. Quelque chose d'autre m'attirait en ce monde, mais j'ignorais quoi, peut-être l'inconnu.
Je me fis couler un autre café, histoire de m'ancrer davantage à la réalité. La glace de la salle de bain était recouverte de buée. Je passai la main dégageant une bande pour m'observer, la fatigue devait me dessiner un teint blafard et des paupières cernées d'ombres, mais je lâchai la tasse en me voyant. Elle rebondit sur l'émail blanc de l'évier avant de se briser sur le sol. Le tapis s'inonda d'une flaque brune. Je ne bougeai plus. Puis essuyai entièrement la vitre pour être sûr. Aucune image ne se reflétait. Je me massai les yeux, cela ne changea rien, je ne savais plus quoi penser, était-ce ma vue ? Pourtant je pouvais voir distinctement tout ce qui m'entourait, mes mains, mon corps. La glace renvoyait parfaitement le décor de la salle de bain, par contre mon reflet n'apparaissait pas. J'étais absent alors que physiquement devant le miroir.
Je me vêtis d'un peignoir et ouvris la fenêtre. Le soleil était levé depuis peu en ce jour d'hiver. Je me penchai sur le balcon, l'air froid me saisit. À la boulangerie, des voisins du quartier faisaient la queue et la locataire du premier promenait son chien. Me montrer dans cette tenue et par ce temps, pouvait leur sembler incongru mais j'étais incapable de bouger. Tout mon corps tremblait. Je mis ça sur le dos du climat. Finalement je décidai de vérifier à nouveau, peut-être était-ce un moment d'égarement, depuis mon réveil je n'étais pas vraiment alerte.