L'Enfant-Lune / Page 12 - Fin

Publié le par Camille Butterfly



Maintenant il fait nuit. Les lumières de la ville sont hors service momentané, pourtant il ne fait pas sombre, la Lune éclaire les ombres, et je ne m’en suis même pas rendue compte, foudroyée à cet instant précis par deux éclairs bleus. Il est juste en face de moi, ses yeux dans les miens.

— Bonsoir. Dit-il, en s’adressant à nous le plus simplement possible.

— Bonsoir Monsieur, je vous ai applaudi ce soir, vous savez je suis venu à la représentation, vous avez été très grand Monsieur.

— Je vous remercie. Balbutie-t-il, un brin timide.

Il est là à ma portée de mains, un léger sourire dans ma direction. Je n’ose pas lui dire le moindre mot. Il continue son chemin. Comment le retenir ? Quoi faire ? Incapable de la moindre action. Anéantie. Il s'évapore déjà au loin. Une convulsion me broie le thorax. Il disparaît définitivement de l'horizon.

— C'était lui l'acteur de la pièce !

Le sans-abri me secoue par la manche, trop content. Mais je ne réagis pas. Il voit mon visage ahuri.

— Mais dis donc, c'est qu'il t'aurait tapée dans l'œil !

Et tout émoustillé, il entame une chansonnette d'amour conduite par un faux pas de valse.

— Pas du tout d'abord ! Et cesse donc de faire l'imbécile, tu vas te croire ivre à tournicoter comme ça.

— Oui justement, avec l'intermède imprévu de ce soir, je n'ai pas refait mon stock au commerce à bouteilles.

Il tricote des ronds sur le trottoir tout autour de moi.


— Pourquoi te remplir d'alcool ? La vie est-elle si plate qu'elle laisse vide ?

— C'est thérapeutique, je désinfecte mes plaies.

Il tapote son cœur. Je ris à son humour. Ce bonhomme me touche. Sa sagacité me plaît.

— Je crois que je l'ai trouvé.

— Tu fais allusion à ton prince charmant ou à moi ?

— Je ne sais pas.

— C'est peut-être l'amour que tu devais trouver ! Il est partout. Ce monde est fait d'amour, l'amour régit ce monde. L'amour des femmes, l'amour de l'argent, l'amour des autres, l'amour de son métier, l'amour de soi, le grand amour, la liste est longue.

Il danse de plus belle, il a trouvé le bon rythme.

— Ah bon ?

Cette fois, il m'a ébranlée. Je frissonne. J'ai envie d'être seule ou peut-être besoin de me mettre à l'écart, je le salue de mon départ.

— Au revoir mon ami, je m'en vais continuer ma route… ailleurs… Je suis déjà restée trop longtemps ici.

Il s'attriste brusquement.

— Fuck ! fuir les obstacles n’est pas la bonne solution, ta quête est en toi, tu dois arrêter de trébucher sur toi-même pour être capable d’aimer… Je le sais, c'est mon histoire aussi, j'y suis passé avant toi… Et tu vas me manquer.

Mais ses paroles se sont perdues dans l'éther, j’étais déjà partie.


BANG !
Je tressaille, un son plus fort que les autres perturbe la régularité de ces bruits qui me martèlent la cervelle. Je me penche vers le chantier, on s’agite dans tous les sens, apparemment un ouvrier aurait fait une erreur de manœuvre. Moi, je suis encore là, perchée sur ma fenêtre à voyager dans ma tête.


FIN

Publié dans Nouvelle 1

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