Le réveil sonne - Page 4

Publié le par Camille Butterfly


Plus de deux heures que je m'impatientais dans ce couloir morbide, les murs, probablement blancs à l'origine, étaient jaunis, gangrenés par les exhalaisons des malades. Celui des urgences n'était pas à envier, tout l'hôpital était contaminé, mais j'y avais fait une halte plus courte, après que le taxi m'ait déposé. J'espérais ardemment que le psychiatre pourrait m'apporter des réponses suite à l'insuccès du scanner cérébral et de tous les examens pénibles, ne serait-ce que pour me dire qu'il avait déjà rencontré un cas semblable. J'avais déjà une consolation, j'étais bien vivant.

La porte s'ouvrit enfin. Le docteur m'installa et je lui exposai toute mon histoire. Évidemment comme ses collègues, en absence de symptômes physiques, il m'orienta vers un choc psychologique provoquant une altération des sens. L'idée de plonger dans mes méandres, mon passé et historique familial, ne me réjouissait absolument pas, je commençais à maudire le sort qu'il me soit tombé dessus avec cet événement. Heureusement, le médecin n'alla pas si vite en besogne et s'intéressa d'abord à trouver un incident récent dans ma vie. Ma réponse fut rapide.

— Non, je ne vois pas… Il n'y a eu aucun bouleversement ces derniers temps, rien d'anormal.

— Oui… Ou un détail qui aurait attiré votre attention de façon différente ? Même mineur, il peut très bien être à l'origine du déclenchement, il va éveiller un traumatisme inconscient et mettre en branle tout un processus. Vous rappelez-vous ce qu'il s'est passé avant que vous ne découvriez l'absence de votre reflet ?

— J'ai bu un café… Auparavant, j'ai eu un léger différend avec ma copine…

— À quel sujet ?

— En fait, elle est même partie très en colère… Elle me reproche mon indifférence envers elle, et j'eus même droit, en prime, à une crise de jalousie pour un rêve !

— Très bien, vous souvenez-vous de ce rêve ?

— Maintenant que j'en parle, des bribes supplémentaires me reviennent… un individu se tenait devant moi, sa présence me brûlait, surtout la nuque, et j'entendis le mot désillusion, ou peut-être des illusions…

— Cela a-t-il une signification pour vous ?

— Non… Je ne sais pas… Mais j'ai cette phrase constamment dans la tête depuis ce matin, j'ignore si elle a un rapport…

— Oui ?

— L'homme est à l'image de Dieu. (Je ris sensiblement gêné). C'est stupide, je ne suis même pas croyant !

Le psychiatre griffonnait des notes sur une fiche, et me proposa de m'hospitaliser quelques jours afin de surveiller mon évolution. Je jugeai la consultation bien superficielle pour établir un diagnostic. J'en conclus qu'il n'avait aucune réponse à mon sujet et qu'un long travail commençait, mais il n'était pas question que je demeurasse chez les malades, je refusai poliment. Il me prescrit des calmants et me recommanda à un collègue pour un suivi de mon problème. Peut-être à cause de ma mine déconfite d'être expédié si promptement, il fit allusion en me raccompagnant, aux religions d'Extrême-Orient désignant notre monde comme Mâyâ, la grande illusion. Il ne pensait pas qu'il puisse y avoir une corrélation, cela lui était venu à l'esprit lors de l'évocation de mon rêve, mais sa remarque eut un effet stupéfiant sur moi. Elle m'offrit la conscience fugitive d'une forme esquissée, comme les dessins d'enfant constitués de points à relier pour découvrir le contour, mais cette intuition furtive m'échappa, des éléments manquaient pour donner du sens à l'ensemble, j'eus pourtant l'impression d'avoir là une clé. Après la médecine du corps et celle du mental, je ne perdais rien à m'orienter vers la médecine de l'âme.




Publié dans Nouvelle 2

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