Le réveil sonne - Page 5

Publié le par Camille Butterfly


De l'autre côté de la route, s'érigeait une église assez grise, elle m'évoquait les pierres tombales de granit brut. J'hésitai à traverser, je me sentais ridicule. La porte épaisse en bois était fermée d'apparence, je cherchai des informations sur les horaires. De ma place dont je n'avais toujours pas osé bouger, je percevais une plaque calligraphiée « église du Saint Sauveur » sans autres indications. La maison du Seigneur était vraisemblablement ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Ce que je mis en doute. Sur une autre plaque juxtaposée figurait « monument historique ». Voilà à quoi était reléguée l'existence de Dieu, un mausolée culturel d'un autre temps ! Mon cynisme me plut.

— Puis-je vous aider ? Me demanda un individu à mes côtés.

Je ravalai mon sourire pour ne pas ressembler à un euphorique en pleine contemplation mystique.

— Non, non, merci.

Un petit homme frêle, d'à peine un mètre soixante, d'autant plus courbé par son âge déjà avancé, se tenait sur ma gauche, me regardant gentiment derrière ses grandes lunettes rondes. J'eus la sensation tellement forte qu'il attendait une question de ma part, que je réitérai mon refus.

— Je vous remercie Monsieur, je n'ai besoin de rien.

Par un large sourire qui traversait son visage tout rond à la peau tannée, il émit un petit rire d'enfant, doux et magique. Sa physionomie trahissait une origine étrangère proche de l'Himalaya. Il me salua respectueusement d'une inclination de la tête et me quitta d'un pas alerte malgré son air fragile. Une dernière attention à la bâtisse austère me découragea définitivement de faire un pas en ce sens.

Après quelques recherches difficiles, mes coups de fil avaient abouti, de connaissances en connaissances à travers toute la ville et même plus loin, à la confidence de l'existence d'une communauté religieuse aux rites exotiques qui paraissait plus adéquate à mon attente, mais j'avais peu d'espoir d'obtenir un contact étant donné le talent mis en œuvre pour préserver leur tranquillité dans le secret.
Il faisait déjà sombre lorsque j'arrivai à l'adresse. La rue était déserte. Un bâtiment en pierres exhibait une porte cochère anonyme, mais elle était verrouillée, son portillon résistait aussi. Je ne remarquai pas d'autre moyen d'entrer, ni même d'appeler ou de signaler ma présence, aucune sonnette n'existait.
Par le trou de la serrure, je plongeai un œil afin d'espionner le paysage derrière cette barrière. Je crus distinguer un jardin malgré l'obscurité, planté d'une statue imposante au centre qui me guettait de sa hauteur. Je me redressai subitement avec l'impression d'avoir été surpris. A nouveau sur le bord du trottoir, je constatai qu'un jeune hindou en costume blanc patientait derrière moi que j'eus fini. Je me reculai tout rouge de confusion. Il n'exprimait ni colère, ni amusement, ni curiosité à mon égard. Le portillon s'ouvrit de l'intérieur et l'avala avant de se refermer. Je restai coi un moment. Ce ne pouvait être une détection automatique sinon je l'aurais déclenchée. Un gardien devait être posté dans l'entrée pour actionner l'ouverture, ce qui supposait qu'on était au courant de mes idioties.

— S'il vous plait, il y a quelqu'un ?

Personne ne me répondit.

— J'aimerai des informations… pour moi… à caractère privé… s'il vous plait, il y a quelqu'un ?

Toujours le même silence. Il ne me restait plus qu'à espérer un nouveau mouvement de l'accès.




Publié dans Nouvelle 2

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